Désamorcer les traumas et se replacer dans l’existence, par la Psychothérapie du Trauma Réassociative (PTR)

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Désamorcer les traumas et se replacer dans l'existence, par la Psychothérapie du Trauma Réassociative (PTR)Marine Manouvrier et Gérald Brassine, publié en mai 2025 dans la revue Hypnose et Thérapies brèves n°77

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« Si vous vous posez la question : quelle est la différence entre une bonne séance d’hypnose thérapeutique qui donne la parole à la liberté du sujet, et une séance problématique, centrée sur la persuasion-suggestion ?, lisez avec attention l’article de Marine Manouvrier et Gérald Brassine. Leur témoignage est à la fois très touchant et d’une grande pertinence épistémologique. Nous percevons de l’intérieur comment l’utilisation des protections dissociatives et l’approche collaborative permettent une avancée décisive pour activer les processus autonomes auto-thérapeutiques. »

Julien Betbèze

 

DÉSAMORCER LES TRAUMAS ET
SE REPLACER DANS L’EXISTENCE,
PAR LA PSYCHOTHÉRAPIE DU
TRAUMA RÉASSOCIATIVE (PTR)

 

Marine Manouvrier et Gérald Brassine

 

Un témoignage unique d’une patiente « initiée » puisque elle même formée à l’hypnose conversationnelle stratégique-PTR. En s’appuyant sur les protections dissociatives, la thérapie en quatre séances qu’elle a suivie lui a permis de se libérer d’un traumatisme fortement ancré en elle.

Quoi de mieux pour témoigner de l’effectivité d’une pratique thérapeutique que de partir d’un exemple concret de transformation et de guérison.
L’originalité du témoignage vient du fait que je suis à la fois patiente et formée par Gérald Brassine à l’hypnose conversationnelle stratégique PTR. Philosophe de formation et formée à la transe cognitive auto-induite (développée par Corine Sombrun), mon regard est donc multiple sur le processus traversé.

 

Gérald Brassine : « Je m’exprimerai ici en italiques dans le texte de Marine Manouvrier. Je me contenterai de donner la terminologie des techniques et d’expliciter certains concepts utilisés ».

Allons-y rapidement pour le contexte. Un mal-être et une rupture me poussent, il y a 8 ans, à l’aube de mes 40 ans, à entamer une thérapie avec une psychologue systémicienne, formée à l’hypnose et aux constellations familiales. Cette thérapie dura 4 ans. L’usage de l’hypnose n’est alors ni explicite ni expliqué. Il favorise la remontée de quelques bribes de souvenirs qui suggèrent un abus sexuel durant l’enfance. Je ne vais pas m’étendre sur cette thérapie car elle n’est pas le cœur de cet article mais il est important de noter pour la suite que la

 

« Au lieu d’être contrainte par l’abuseur,

j’arrive à m’enfuir, je transforme l’abuseur

en crapaud et je le dégage. »

 

psychologue y a fait usage dans ce contexte d’abus de suggestions très subtiles tant sur le rôle de mon père que celui de ma mère, ce qui a amené une atmosphère de soupçon, particulièrement vis-à-vis de ma mère.

G.B. : « En PTR toute interprétation autre que celle du patient lui-même est proscrite. »

La thérapie s’est terminée de manière incompréhensible, la psychologue a arrêté abruptement et sans explication sa consultation.
Arrivons à ce qui nous occupe, quatre ans plus tard, lors de la formation de base en PTR, des différents enseignements et particulièrement des exercices pratiques, des flash-backs très parcellaires, un sentiment de menace puissant et de déroute me submerge. Je décide donc d’effectuer un travail en hypnose avec Gérald Brassine, à la fois pour me libérer de ce mal-être et ensuite parce qu’il me semble que c’est absolument nécessaire pour pratiquer comme hypnothérapeute.

J’arrive donc à la première séance avec de la défiance vis-à-vis des inductions et suggestions que pourrait faire le thérapeute et la croyance ancrée qu’une levée d’amnésie quant à l’auteur des abus n’est pas possible ni peut-être souhaitable. Lors de cette 1 ère séance, Gérald Brassine a d’abord pris soin d’aller dans le sens de mes résistances, insistant sur le fait que je dois absolument l’envoyer au diable s’il propose quoi que ce soit qui ne me semble pas juste ou qui ne me convient pas,

G.B. : « En PTR il est habituel de faire expérimenter une relation « sécure »  nouvelle au travers de différents moyens, comme celle évoquée ici : « La meilleure des collaborations, c’est de vous autoriser à m’envoyer au diable, de refuser explicitement toute proposition inadéquate ». Ces expérimentations réitérées, dans la relation avec le thérapeute, autorisent des comportements nouveaux pour le patient. Il en est immédiatement et à chaque fois remercié. Comportements et attitudes qui n’avaient pas été autorisés ni expérimentés depuis les traumas, ces attitudes étaient restées figées dans l’impuissance acquise. »

…en me proposant par exemple lorsque je m’énerve de ne pas voir le visage de l’abuseur de bien vérifier au contraire que celui-ci était enturbanné comme celui de l’homme invisible ou, lorsque j’avais l’impression d’inventer les souvenirs qui remontaient, me demandant d’augmenter cette sensation d’inventer et d’inventer plus encore.

G.B. : « En PTR on va toujours et systématiquement dans le sens de l’acceptation et de l’amplification des résistances hypnotiques ou non, ici il est fait usage des Protections Dissociatives (phénomènes hypnotiques) ; 1- ne pas voir, 2- impression d’inventer. »

Cela a permis que je ne sente de sa part aucune emprise, ce qui évidemment a été essentiel pour la poursuite du travail.

Dans l’hypnose conversationnelle stratégique – PTR (Psychothérapie du Trauma Réassociative) tout passe d’abord et avant tout par le corps. La pratique, très brièvement, C’est d’intensifier la sensation corporelle qui arrive, l’intensifier encore jusqu’à ce qu’un souvenir se libère, une image, une émotion. Là, le point crucial est que le patient – qui n’est d’ailleurs pas du tout patient ! – transforme, re-scénarise le souvenir grâce au trésor de l’imaginaire.

Par exemple, au lieu d’être contrainte par l’abuseur, j’arrive à m’enfuir, je transforme l’abuseur en crapaud et je le dégage, je fais tomber le mur du fond de la pièce et me retrouve dans un endroit sécure… Si le souvenir vécu ne disparaît pas, la réassociation avec d’autres images le rend maintenant inoffensif.

G.B. : « Le thérapeute suscite de multiples transformations tant des images, sensations, émotions, (VAKOG) que de scénarios afin d’inviter le patient à re-scénariser lui-même les scènes traumatiques en fonction de ses besoins inconscients et d’éliciter, grâce à cette attitude non-intrusive, des Processus autonomes auto-Thérapeutiques (PAAT). Le thérapeute s’efface en remerciant immédiatement lorsque le patient amène son idée et à fortiori lorsque le développement d’un PAAT apparaît. »

En partant du corps, j’ai senti une décharge d’énergie exprimée par des tremblements et des mouvements dans les bras et des mains, j’ai retrouvé là des mouvements effectués précédemment en Transe Cognitive Auto-Induite (TCAI). Dès cette 1 ère séance, un apaisement profond est venu, je sentais que quelque chose était désactivé.

Relater la deuxième séance est intéressant car elle éclaire le processus de la PTR où il s’agit de s’appuyer sur les Protections Dissociatives apparues lors du trauma pour travailler celui-ci en toute sécurité. En voici donc quelques exemples.

G.B. : « Les Protections Dissociatives sont les phénomènes hypnotiques spécifiques développés par les victimes au moment des incidents traumatiques – ce qui les a protégées. Si elles continuent d’agir intempestivement par la suite elles constitueront les symptômes du SSPT. Leur amplification en thérapie peut donc paraître paradoxale. Pourtant, si on se rappelle leur propriété protectrice au moment de l’incident traumatique on comprend pourquoi elles sont utilisées en PTR : c’est leur pouvoir “anesthésiant” qui permet de ramener le patient au cœur du trauma (souvent partiellement ou totalement amnésié) et favorise la désensibilisation avec toute la douceur dont le patient a besoin. »

Je me sens dans la brume, Gérald me demande d’augmenter cette sensation de brume, d’hébétude, je ne vois rien mais ressens beaucoup, je me sens contrainte, maintenue, cela m’énerve, j’augmente l’énervement. Une douleur dans le ventre apparaît, je l’augmente, la vision de mon père me traverse, Gérald me demande si je veux qu’il me défende ?

G.B. : « Ici, il est fait usage de trois Protections Dissociatives 1- ne pas voir, 2- l’hébétude, 3- la psychosomatique (douleur dans le ventre). Cette dernière, conceptualisée en PTR depuis 2000 comme phénomène hypnotique au même titre que les autres habituellement reconnus, est donc utilisée en tant que Protection Dissociative contre l’émotion trop forte. »

C’est ce que je veux mais, je ressens alors de la tristesse car je sais mon père démuni, trop sensible. Gérald me demande si je peux l’imaginer en pleine possession de ses moyens, oui je le peux et je visualise qu’il “défonce la gueule” de l’abuseur. Gérald me demande si je sens la catalepsie pour vérifier si la Protection Dissociative est bien en place. Le mal au ventre réapparaît, je sens l’invasion de mon corps d’enfant. Les mains et les jambes bougent et les dents s’entrechoquent, laisser faire le corps…

À nouveau vérification des Protections Dissociatives quand Gérald me rappelle qu’il y a de la brume, que je ne vois pas le visage de l’abuseur et que c’est bien comme cela. Gérald objective la situation en mettant des mots : viol, pédophile. Il me demande si l’abuseur reste au bord, ou s’il entre dans mon corps, c’est pénible mais oui j’ai très mal au ventre et je constate que si j’ai mal au ventre, il est entré.

 

« Intensifier à nouveau le fait de se sentir

vraiment morte, de préférer mourir

que de vivre dans ce monde de gens méchants. »

 

Gérald m’invite à re-scénariser directement par exemple en lui coupant le sexe, je le fais et ça gicle et il y a du sang et ça fait un bien fou tout ce sang qui gicle !

À un moment, Gérald m’invite à considérer le fait que ce n’est plus nécessaire que cela reste caché. Cela s’imprime quelque part en moi. Un peu plus tard, Gérald dit : et là tu vois son visage et je le vois, c’est cet oncle, le frère de mon père.

Nous sommes en fin de séance, Gérald me demande ce qu’on peut faire pour cette petite et il raconte alors ce que font les femmes africaines : écarter le violeur de la communauté, purifier la petite par des bains d’herbes puis l’habiller d’un tissu tout propre qui n’a jamais été porté pour qu’elle puisse enfin être amenée au sein de la communauté dont elle en fait absolument partie.

Avant d’arriver à la troisième séance, il me semblait que tout avait été retrouvé. Je me suis alors demandé ce qui, de manière récurrente, me posait problème. Ce qui est venu, c’est m’opposer, dire non, je crains souvent la réaction de l’autre et me fais plus souvent que nécessaire caméléon. J’arrive avec cela. Gérald me propose alors de sentir où je sens dans mon corps cette difficulté à dire non.

G.B. : « Utilisation de la sensation psychosomatique et intensification de la résistance : la difficulté à dire non. »

Directement je plonge en hypnose et sens ma gorge enserrée par un boa constrictor. J’intensifie, j’ai du mal à déglutir et me mets à tousser terriblement. Plus précisément je sens en fait que deux mains m’étranglent et me secouent, je tousse énormément et Gérald me propose de réduire les mains en mains de Schtroumpfs et puis de filer dans mon moment sécure. Instantanément, je respire mieux.

G.B. : « En PTR, pour faciliter le retour des souvenirs pénibles, on protège : 1- en ramenant la personne dans les émotions ressenties dans son “bon moment”, 2- en changeant les images traumatiques, 3- en utilisant les Protections Dissociatives, 4- en accueillant et développant toute résistance, 5- en passant du souvenir pénible à l’un ou l’autre de ces 4 points, dans une alternance rapide et répétée autant que nécessaire afin d’éviter la souffrance. »

Il me propose de retourner dans la scène, je me sens enfermée en moi, Gérald propose d’intensifier le fait que je m’enferme en moi-même et que rien ne peut m’atteindre et là je vois mon oncle qui me secoue, je suis comme un pantin désarticulé. La colère arrive et j’ai envie de le mordre, je me transforme en chien qui le déchiquète. Gérald me demande si je vois des sous-titres à la scène dans une langue incompréhensible, l’ouïghour m’apparaît quand cet oncle me parle. Gérald me demande si je comprends le flamand et me propose de mettre les sous-titres en flamand. Finalement, j’entends « tu as intérêt à fermer ta gueule salope ». J’ai l’intuition que cet oncle fait cela pour casser et salir ce que mon père a de plus beau. J’ai mal au ventre, intensification, je me vois allongée sur le sol, je suis grise, immobile, sans énergie, c’est l’impuissance, le désespoir, la terrible tristesse. Intensification.

Gérald vérifie s’il y a honte et culpabilité. Oui pour la honte et oui pour la culpabilité de se dire que si cela se savait cela détruirait père et mère. Gérald me propose de faire venir ma mère, je la sens trop fragile pour endurer cela. Mais je peux, là, l’imaginer comme une furie.
Ça se fait, elle vient dans la scène et l’émascule, il y a du sang partout, c’est sauvage. La petite qui est au sol s’allège et se met à danser avec les danseurs de Anne Teresa De Keersmaeker. Mais quelque chose me rappelle à la petite fille au sol pour qui il faut faire quelque chose. Elle est toujours comme morte, en boule. Gérald propose d’intensifier à nouveau le fait de se sentir vraiment morte, de préférer mourir que de vivre dans ce monde de gens méchants, de souffrance, d’incompréhension.

G.B. « Le thérapeute PTR demande d’intensifier immédiatement toute « résistance » offerte par l’inconscient, parce qu’il y a toujours « une bonne raison » à explorer et à comprendre dans cette offre de collaboration que sont les « résistances ». Cela permettra la libération des affects et des symptômes, dont la cognition habituelle du SSPT « c’est ma faute, je suis coupable ».

Une part de moi est toujours en train de danser, les deux se côtoient. Puis à nouveau le mal au ventre apparait, j’intensifie et la scène du viol se montre – pour la 1 ère fois j’arrive à dire : viol. Gérald me propose de transformer la scène comme cela me vient, mon ventre lui explose alors au visage. L’acide, le ronge et le liquéfie, tout ce qui doit l’être est purifié dans mon ventre.
Je sens que la vie revient dans la petite couchée par terre, comme un crépitement qui commence à la parcourir. L’autre part de moi qui danse lui dit de venir avec elle maintenant et la voilà, assez gauche et faible, mais tout de même entourée des danseurs en train de danser. La petite enlève ses vêtements souillés et est purifiée par la danse intérieurement, extérieurement.

À la quatrième et dernière séance, Gérald va vérifier que le trauma est désamorcé, c’est le cas. Ce qui reste c’est une sensation d’impuissance d’avoir été manipulée par la psychologue, la colère vient et je transforme cela en imaginant que je la rends muette. Elle n’a plus de bouche et ne pourra ainsi plus avoir d’emprise sur quiconque par ses suggestions cachées.
Le travail sur ce trauma est terminé.
Ce que je voudrais mettre en avant est que, si le travail a bien été entamé par cette thérapie de la parole il y a 8 ans, force est de constater que je n’ai pu rester qu’au bord du trauma. Certains éléments étaient remontés de manière très partielle et il n’y avait pas eu de libération du trauma.
La spécificité de la PTR de s’appuyer sur les protections dissociatives apparues lors du trauma a permis de lever l’amnésie en sécurité d’une part, et d’autre part de re-scénariser la scène. Ces multiples transformations ont permis de libérer l’empreinte du trauma et de réassocier ce qui était épars en moi.

La conséquence la plus directe est que cela m’a replacée dans le courant de mon existence. J’avais oublié que je vivais depuis plus de 40 ans avec ce caillou dans ma chaussure. J’avais pris l’habitude de marcher avec ce caillou jusqu’à en oublier qu’il était là. Une fois enlevé, un nouvel équilibre m’est venu. C’est absolument corporel, je ne marche plus de la même façon, je tiens maintenant droite dans l’existence du seul équilibre donné par la vie qui bruit en moi.

G.B. « Je remercie Marine Manouvrier d’avoir bien voulu relater cette thérapie d’une durée de 4 séances.

Elle est un exemple tout à fait représentatif des nombreuses thérapies à la fois « profondes » et cependant de courtes durées que la PTR permet d’accomplir. Cette manière de travailler et ses résultats ont été expérimentés par les nombreux thérapeutes en Belgique, France, Suisse, etc. qui depuis le début des années 2000 en ont appris les fondements à l’IMHEB ou auprès d’écoles qui dans sa suite l’enseignent. »

 

*Article écrit par Marine Manouvrier et augmenté par l’aimable regard de Gérald Brassine, août 2024.

Marine Manouvrier Thérapeute PTR, professeure de philosophie et enseignante de méditation.

Gérald Brassine  Psychothérapeute, formateur en hypnose et thérapie brève. Fondateur de l’Institut Milton Erickson de Belgique (1984). Formations décisives auprès de P.Watzlawick, J.Weakland, R. Fisch, N. Cummings et Kay Thompson. Créateur de l’Hypnose conversationnelle stratégique-PTR. Auteur de Faut-il parler de ça aux enfants ?. La vengeance du jaguar ; Pour une intervention écologique dans le cadre de l’inceste…

Brassine.gerald@gmail.com

www.imheb.be

 

  1. Brassine G. & Tonglet N., « Surmonter le Traumatisme. Initiation à la Psychothérapie du Trauma Réassociative (PTR) », Bruxelles, Éditions SATAS, 2023.
  2. « Protection Dissociative et syndrome de Stockholm », in Hypnose et Thérapies brèves No 70.
  3. « Le pouvoir de la dissociation », in Hypnose et Thérapies Brèves No 61.
  4. « Protections Dissociatives. Anesthésiants pour l’hypnothérapie du trauma », in Hypnose et Thérapies No 55.

 

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