Palo Alto, PTR et les Protections dissociatives

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Palo Alto, PTR et les Protections dissociativesPar Michelle Shenhav,
psychothérapeute – Thérapie Brève, PTR

Ceci est le récit de plusieurs séances qui illustrent le travail thérapeutique avec une patiente et qui continue à ce jour. Les noms ont été changés. Je ne rajoute pas les détails concernant la patiente pour éviter toute possibilité d’identification.

 

Comment en travaillant le lien avec son fils, Marie a apaisé d’anciennes souffrances… grâce à la PTR.

 

Marie a le visage souriant bien qu’un peu tendu quand lors du premier entretien par Skype elle me parle de son fils Arthur 19 ans. « Nous n’avons plus de relations » me dit-elle. « Il fume beaucoup de pétards, ça ne me dérange pas, il fait ce qu’il doit pour ses études même s’il joue en ligne quasi toutes les nuits. »

Fidèle à mon questionnement Palo Alto je lui demande ce qu’elle a déjà essayé de faire pour rentrer en contact avec Arthur et qui n’a pas marché. Elle me dit qu’elle marche sur des œufs avec lui, elle a tout le temps peur de mal faire donc elle l’évite, n’essaie rien, et se pose tellement de questions : « quand ce serait le moment idéal ? quoi dire ? » que finalement elle a 0 contact avec son fils qu’elle aime énormément. C’est son mari (le père) qui gère et ce depuis qu’il est pré-ado.

Toujours dans mon questionnement je lui demande de quoi elle a peur si elle devait l’affronter et lui demander de venir dîner avec eux par exemple. Arthur prend ses repas en chambre. Là, Marie s’effondre en larmes et me dit qu’elle est tellement triste de passer à côté de l’adolescence de son fils. Je lui dis qu’elle a encore le temps de rattraper, le cerveau n’étant pas complètement fini avant 28 ans dit-on en neurosciences .

« Et si vous étiez plus naturelle avec lui, ce serait comment ? » je lui demande. Là, Marie sèche ses larmes et me raconte qu’elle n’a pas eu d’exemples. Ses parents étaient laxistes et alcooliques. « J’étais gênée de mes parents ». Elle a le souvenir de sa mère qui lui dit je t’aime mais ses mots sonnaient faux, cette mère était fantasque, souvent saoule, plutôt irresponsable. Son père était colérique et malsain. Et elle, elle ressent en permanence avec Arthur une émotion négative à l’intérieur d’elle, la peur de mal faire, de ne pas être adéquate.

Marie a déjà fait plusieurs thérapies et pas mal de séances en EMDR pour travailler sa relation avec son père qui lui hurlait dessus et faisait des blagues grivoises même si finalement il a toujours été plus fiable que sa mère totalement clown et immature.

Marie n’a que très peu de souvenirs de son enfance et de son adolescence.

Elle a en permanence des aigreurs d’estomac et des nausées « sûrement à cause des trucs horribles que me disait mon père et de la folie de ma mère, je ne peux pas être issue de mes deux parents, rien que d’y penser ça me dégoûte ».

Je prends note. On avancera dans l’ordre… et je suis l’objectif de ma patiente : la relation avec son fils.

« Est-ce que vous vous sentez connectée à Arthur ? »  « oui totalement, me dit Marie. J’ai l’impression qu’il souffre, moi à son âge j’étais aussi paumée,  j’imagine qu’il doit ressentir la même chose. Je me vois quand je le vois, moi je ne voulais pas rentrer dans le moule, je me droguais, j’étais en opposition à tout, ça me fait peur d’être en contact avec lui ».

Je propose à Marie de se connecter 15 minutes tous les jours à ses peurs vis-à-vis de son fils, pendant 10 jours. A la séance suivante, Marie revient et me dit que ce qui l’angoisse le plus c’est devenir violente avec Arthur. « Bizarrement, me dit Marie, rien qu’en me connectant à mes peurs, c’était pas facile ces 10 jours, mais ça va déjà beaucoup mieux, j’ envoie des sms pour l’inviter à dîner et il y a un début de relation, il me répond et est descendu manger avec nous deux fois cette semaine ». Je la rejoins sur le fait qu’une peur qu’on accueille ne vient pas nous cueillir, voire même se transforme en courage. Marie est contente et très fière finalement de ce changement.

Et là je lui propose d’aller voir ce que son inconscient a comme cadeau à lui offrir.

« Faites confiance à votre inconscient, il en sait bien plus que vous », disait Milton Erickson

J’explique l’hypnose conversationnelle stratégique, combien il est important d’oublier certains moments difficiles, combien notre inconscient nous protège pour résister, combien on se coupe de nos émotions et sensations physiques. Marie est prête, plutôt enthousiaste.

Nous commençons les entraînements aux phénomènes hypnotiques, à son rythme et j’insiste sur l’importance de sentir très protégée tout au long de la séance.

J’invite ma patiente, une fois bien installée dans ses Protections Dissociatives, à revoir la petite Marie grandir avec ses parents, survoler la maison où elle a grandi, en veillant à bien rester au-dessus et à rentrer dans cette sensation de « je ne ressens rien » qui revient. Revoir la maison sans ressentir.

Très vite une image forte lui saute au visage, la petite Marie  a +/- 8 ans et se trouve devant un escalier qui mène à une cave, sensation d’aigreur dans la gorge, émotion d’anxiété comme si quelque chose allait arriver. Elle sent un danger, est tremblante et n’a pas fort envie d’y aller.

Nous redoublons les protections, je lui propose de prendre la petite avec elle en haut, de la serrer dans ses bras et de voir en bas ce qui se passe, avec comme consigne l’interdiction d’y aller ! Son visage se crispe, change, sa nuque se raidit, j’ai le nez collé à mon écran d’ordi et au moment où j’invite ma patiente à bien sentir cette raideur dans le cou, le visage de sa mère lui apparaît.

Immédiatement on change sa mère, elle a l’impression d’étouffer dans un sac, a du mal à continuer, je l’invite à bien serrer dans ses bras la petite en haut pendant qu’on transforme en bas ce qui se passe.

Une fois toutes les sensations bien ressenties et augmentées, Marie voit cette horrible mère qui garde enfermée cette petite à la cave pour la punir. Souvenirs que Marie avait complètement amnésiés.

Cave changée, fenêtres installées, lumière, mère balancée par la fenêtre, maison explosée et remplacée par une belle prairie avec des poneys. Je demande à Marie si elle a besoin de dire quelque chose à sa mère ou si elle préfère qu’elle soit jugée et que tout le monde entende et voie l’horrible mère qu’elle a été. Jugement prononcé, on condamne la mère et la petite se sent soulagée.

On fait grandir Marie avec de bons parents dans une maison chaleureuse. Ressentir des bonnes sensations physiques. Sentir l’apaisement qui en découle.

La gorge se dénoue, le visage se détend.

 

 

Lors de la séance suivante nous travaillons le lien maternel. Je propose à ma patiente de travailler l’ambivalence: voir la « bonne mère », celle qu’elle trouvait rigolote, qui faisait des jeux fantasques et « la mauvaise », celle qui oubliait sa fille et qui préférait sortir et boire que de s’en occuper. Choisir de voir d’abord la bonne ou la mauvaise. Lui parler. Régler ses comptes.

Je propose d’aller chercher de bons parents, d’en prendre dans le monde animal, peut-être ? Nous avons beaucoup ri, « c’est exactement ce qu’il me faut ». Marie d’un coup prend des ours « Paddington » ! Une fois toute la colère sortie, Marie a pu grandir avec une bonne maman ours, sentir ses mains caressantes, voir son sourire, entendre ses mots doux.

Marie est revenue pour la séance suivante incroyablement détendue, la relation avec Arthur s’était fort améliorée, elle n‘était plus dans la retenue. Il est bien souvent dans sa chambre mais ils échangent des messages, le fils descend manger avec ses parents, ils parlent musique, elle ne marche plus du tout sur les œufs. Le lien est bien là.

Ses parents Paddington permettent à Marie de se sentir plus légère, une sensation de bien-être d’avoir de merveilleux parents ours que je propose de bien garder pour explorer la suite. Sans m’attendre à ce qui allait suivre.

 

Marie revient, toujours en Skype, en me racontant que, depuis peu, des scènes de son enfance lui reviennent. Je normalise en disant qu’elle a permis de libérer au niveau inconscient.

« J’ai 14 ans, des vêtements de la marque Scapa, style écossais, une horrible jupe à carreaux, un ensemble très stricte, je détestais et je me souviens avoir rendu visite à un ami de mon père et mon père est parti faire une course et je ne me souviens plus ce qui s’est passé. »

Le bon moment est vite associé aux Paddington, à la nature, aux odeurs, au vent, elle fait de la couture avec maman Paddington, papa ours ramène à manger, c’est le paradis !

Nous volons au-dessus d’une jeune fille vêtue d’une jupe écossaise, là Marie se crispe fort, nous redoublons de protection avec des Paddington GI à ses côtés, interdiction de descendre dans la scène, je propose d’y aller et elle me guide.

Nous arrivons à une galerie d’art, elle appartient à un ami de son père, elle aimait y aller, elle servait du jus d’orange pendant les vernissages. C’était chouette….

Et d’un coup c’est l’horreur. Marie grimace de dégoût et me dit entendre le galeriste « tu vas voir on va respirer ensemble et on va s’endormir » Marie ne veut pas y aller, sensations de catalepsie, on augmente, tout en se sentant très protégée bien au-dessus avec la jeune dans ses bras. Moi je suis en bas avec la jeune qui est sur le divan avec ce bonhomme.

Sensations de paralysie, incapacité de bouger. On remonte direct si c’est trop dur et on y va à son rythme mais je suis obligée d’y aller, à son rythme. Le temps de désensibiliser, comme on a déjà fait. On rajoute papa et maman Paddington, je suis aussi présente et là je l’invite à sentir ce qui se passe dans la gorge, dans la bouche, elle est en catalepsie, elle réalise qu’elle a dû être droguée et subir des attouchements. Elle réduit le bonhomme en bouillie, l’écrase, le jette dans le feu, retrouve ses mouvements, agite les bras à travers l’écran, c’est impressionnant. On le refait plusieurs fois.

Elle refuse de dynamiter le lieu il y avait de beaux tableaux, Marie choisit de racheter le lieu, le transformer, c’est une maison sur pilotis, pas de cave, près de la mer, un lieu créatif pour jeunes, elle y organise des expos.

On repasse sur la galerie plusieurs fois pour m’assurer que tout est bien désensibilisé.

Marie voit les eaux cristallines, les poissons en dessous des pilotis, se sent légère, et me dit en soupirant « la vie gagne toujours ». Je propose de revenir sur la jeune Marie et de lui changer sa tenue vestimentaire avec des habits de Madonna et bien sentir son énergie. Nous rions beaucoup. Elle parade avec sa jupe en cuir.

 

J’ai depuis reçu un message de Marie : « j’ai toujours détesté mon physique, je ne savais pas pourquoi, là je me vois dans le miroir, j’ai une image d’un oiseau, je me sens légère. Plus de nausées. Cette expérience a été très intense… et tout ça grâce à Arthur finalement. »

Ma réponse : « Et à Paddington  »

 

Je revois Marie bientôt pour la suite.

 

Conclusion

Pour faire un lien avec la pratique du modèle systémique, interactionnel et stratégique, nous devons en tant que thérapeute PTR savoir comment le problème fonctionne en termes de la grille puis, quand on a capté un maximum de détails et d’informations, grâce à la PTR et aux Protections Dissociatives, laisser venir les ouvertures à d’éventuelles connexions, aux souvenirs et décharger l’inconscient pour obtenir une nouvelle relecture des événements traumatiques.

 

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