L’hypnose au secours des victimes de la drogue du viol

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L’hypnose au secours des victimes de la drogue du viol

Publié le 17 Janvier 2022 sur rtbf.be

Par Lucie Dendooven

 

Depuis quelques mois, des agressions sexuelles sur de jeunes femmes ont défrayé la chronique judiciaire. Ces viols ont été réalisés sous l’emprise de ce qui est appelé communément, aujourd’hui, la drogue du viol, le GHB (l’acide gamma-hydroxy butyrique). Ce puissant psychotrope plonge les victimes dans un état d’inconscience. Certains pourraient penser qu’elles en gardent moins de séquelles puisqu’elles n’en ont pas le souvenir. En réalité, pas du tout.

 

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Des fêtes de Wallonie qui virent au cauchemar

L’histoire de Cécile, c’est son nom d’emprunt, est très emblématique. Elle commence, il y a plus de 15 ans, aux fêtes de Wallonie à Namur. A l’époque, Cécile s’y rend avec son petit ami, son frère et sa sœur. Ils y rejoignent un cousin. Lorsque ce dernier lui demande de l’aider à aller chercher un plateau de péket, ils s’éloignent à deux du groupe puis conversent avec un ami du cousin. A partir de là, Cécile ne se souvient plus de rien. C’est le trou noir jusqu’au réveil traumatisant au petit matin dans un parc de la ville : « J’ai repris connaissance, des heures plus tard, avec l’ami de mon cousin, son sexe à la main, qui me demandait des choses ».

Sous le choc, Cécile s’enfuit à toutes jambes. Elle sort du parc, persuadée d’avoir échappé, de justesse, à une tentative de viol. De rue en carrefour, elle rejoint finalement la gare où ses amis l’attendent après l’avoir cherchée toute la nuit. Par la suite, elle fera l’impasse sur son trou noir. Les rares fois où sa famille ou ses amis lui en parlent, elle répond invariablement : « De toute façon, il ne s’est rien passé. Si je ne m’en souviens pas, c’est que c’était tellement horrible qu’il vaut mieux ne pas s’en rappeler ».

 

Drogues et automutilation

Cécile ne fait pas du tout le lien avec son mal-être. Au fil des mois, en effet, Cécile a des comportements que ne comprend pas sa famille. Elle est métamorphosée. Elle commence à se droguer et surtout à se mutiler. Elle nous explique : « J’avais l’impression de devoir extraire de moi quelque chose de pourri ».

Pendant très longtemps, Cécile vit l’enfer jusqu’au jour où un ami lui propose de coucher sur papier des mots dont elle associe le sens. Une sorte d’écriture automatique en somme. Mais un véritable déclic pour Cécile qui se rend compte qu’elle a peut-être fait l’impasse sur un épisode de sa vie passée qu’elle doit, désormais, mieux comprendre.

Pour l’aider, elle se rend chez Gérald Brassine, un spécialiste de l’hypnose et de la thérapie brève. L’auteur de « Prévenir, détecter et gérer les abus sexuels » et fondateur de la première école belge d’hypnose en 1984 comprend vite que le témoignage de Cécile fait résonance à bien d’autres exemples de personnes abusées sous l’emprise d’un stupéfiant : « La personne qui se réveille chez elle ou ailleurs, commence à avoir des symptômes dont elle ne connaît absolument pas l’origine. Ça va créer chez cette personne une sensation d’être folle. Une sensation de perte de contrôle. Des personnes vont s’automutiler parce qu’elles ont des sensations de caresses non souhaitées qui réapparaissent ».

 

La mémoire du corps

Progressivement, il aide sa patiente à raviver des souvenirs enfouis, en pratiquant l’hypnose. Il souligne : « Grâce à l’état modifié de conscience, on va pouvoir raviver les sensations dues à la drogue et retrouver de plus en plus d’éléments du souvenir lui-même qui était amnésie. En facilitant l’accès aux émotions, l’hypnose réveille simplement des odeurs, des sensations, des bruits, des voix, en sollicitant les cinq sens. Notre esprit était peut-être anesthésié mais notre corps garde la mémoire des événements. Travailler sous hypnose restructure la mémoire défaillante ».

Petit à petit, des souvenirs plus précis rejaillissent dans la mémoire de Cécile. Le trou noir qu’était cette soirée aux fêtes de Wallonie n’en est plus un. Main dans la main avec son thérapeute, elle est parvenue à reconstituer les morceaux de puzzle de sa mémoire éparpillée : la sensation de paralysie, la peur de mourir, l’impossibilité de parler, des personnes qui la conduisent jusqu’à un appartement, les agressions sexuelles…

Des souvenirs difficiles mais en les extirpant, Cécile a arrêté de s’automutiler. Elle a franchi une autre étape, en allant déposer plainte récemment à la police, même si elle est consciente de la prescription des faits.

Ne pas attendre en refoulant les souvenirs du corps, c’est ce que conseille Cécile à toute personne qui, comme elle, a vécu un trou noir.

 

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